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 Identité gastronomique

Alors que Montréal fait parler d’elle au niveau gastronomique, il ne faut pas oublier que si on peut bien manger et boire dans la métropole c’est grâce à un état d’esprit, un mode de pensée qui privilégie le produit local avant tout. Que nous manque-t-il pour fournir nos restaurants en beaux produits? lorsqu’on fait le point : plus grand-chose en tous cas, nous avons de la viande de haute qualité, des légumes traités avec respect, du poisson le plus frais possible, des condiments fins et uniques, des champignons sauvages, des fromages de haut vol, élaboré avec amour et passion. Un gros savoir faire, et de la bonne volonté concluent le tableau. Ce sujet aurait pu faire l’objet d’un article à lui tout seul tant il me tient à cœur. À venir sans doute… Mais qu’en est-il du côté liquide? Montréal est la vitrine de la bouffe au Québec et la province en a besoin pour exister. Mais elle est aussi la vitrine du vin, ici on mange local et on boit surtout global.

La diversité apportée par le monopole fait de la province la plus chanceuse en termes de choix. Le fait de ne pas être une région dépendante depuis des années d’une économie viticole locale a favorisé ce fait. Toutefois si les pires abus du monde de l’industrie sont présents sur les tablettes, les bouteilles les plus prestigieuses les côtoient, accompagnées de quelques des plus grands vins de terroirs. En importation privée, la place qu’occupe aujourd’hui les vins vivants, naturels, natures est une place de choix, présents sur les meilleures tables de la ville mais s’installent aussi  tranquillement sur les meilleures tables à travers toutes les régions. Le travail de sommeliers passionnés et d’agents promotionnels, a payé et même la SAQ s’y est mise. La volonté d’avoir des vins propres, vivants, vibrants nous donnant l’équivalent des même émotions que nous procurent les assiettes des plus grands chefs est bel est bien réel. Le consommateur comprend que le vin n’est plus juste une histoire de se mettre feeling au resto ou entre amis avec le mal au corps compris le lendemain. Est-ce la preuve que les gens commencent à comprendre que le vin est indissociable de la table et qu’il est alimentaire? Qu’on ne doit pas être malade avec du vin au même titre que l’on ne s’attend pas à être malade avec une pizza, un tartare, un confit de canard ou un plat de pâtes aux fruits de mer?

 

Les Pervenches et les Négondos comme modèles

Le vignoble du Négondos est en culture biologique depuis sa création en 1993
Le domaine du Négondos est en culture biologique depuis sa création en 1993

Qu’en est-il maintenant du vin produit dans la belle province? Nous avons déjà des cidres de qualité, des cidres et vins de glace,  gagnant des concours internationaux, des hydromels et certains alcools forts exportés à travers le monde. Nos bières sont reconnues comme parmis les meilleures du monde. Mais le vin? Certes cela ne fait que 36 ans que le premier vignoble a été planté dans la région de Dunham. C’est tellement récent si l’on compare au reste du globe. Le vin au Québec à en croire la multiplication des domaines (comprendre ici vignobles) sur les tablettes de la SAQ, a fait des progrès. Les dégustations se font de plus en plus agréables et on a raison de croire que la machine est en marche lorsque l’on constate que les néo-vignerons choisissent la qualité inspirés sans doute par les voyages, rencontres, à travers le monde viticole. Inspiré par la logique agricole en tous cas. Pionniers de cette logique, le vignoble Les Pervenches à Farnham et le vignoble des Négondos à Mirabel sont tous deux depuis bien plus d’une décennie une source d’inspiration pour les gens qui s’installent et ceux qui font du vin. Ils ne sont bien évidement pas arrivés par hasard dans le monde du vin naturel sans avoir essayé, observé, compris que le terroir ne se retrouve dans le vin fin si cher à Jules Chauvet que lorsqu’on l’écoute, lui prête l’attention qu’il mérite et qu’on lui laisse dire ce qu’il a à dire.

 

 

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Le choix du vin vrai

Les domaines Pinard et Filles, du Nival, Pigeon Hill, sont plus récents et ont en commun de vouloir faire les vins les plus vrais possible, et se sont affranchis de l’armada de produits chimiques et œnologiques permettant soi-disant de faire de bons vins. Pour un petit rappel, c’est l’industrie, qui par la politique de la peur « suggère »/dicte au vigneron deux choses :

1-Traiter la vigne chimiquement pour vaincre les maladies menaçant la vigne et priorise l’abondance de récolte et

2-Utiliser une quantité hallucinante de produits pour rattraper le manque de qualité des raisins ternis par les traitement abusifs dans la vigne. Un comble.  Pour ces néo-vignerons, le pari de la qualité est bel et bien réel. Il faut comprendre que derrière ces noms-là, il y a des gens, des lieux, des plantes, le vin est autre chose qu’une marque avec un petit animal sympathique sur l’étiquette. Certains ont aussi osés planter après mûres réflexions des cépages Vinifera différents de ceux plantés au Québec depuis le début. Pinot noir, Dornfelder, Zweigelt, Riesling, Pinot Meunier, Chardonnay, Savagnin, Gamay, Gamaret, Albarino, Petite Arvine, pour ne citer que ceux -là. Toutefois certains conservent des cépages comme le Marquette ou le Seyval et font de belles choses.

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les vins du domaine pinard et filles

Une autre chose en commun aussi est de comprendre que ce qui est important est de faire des vins du Québec et non pas des vins calqués sur le marché de consommation pour plaire au plus grands nombres. En parlant avec un vigneron il y a peu, sa conclusion était d’avoir pris la bonne décision d’avoir fait le choix des cépages Vinifera après l’arrachage des hybrides. Le choix fut dicté ici par l’expérience du travail avec les cépages « Québécois ». Est ce la bonne décision? Ce n’est pas que les hybrides sont moins qualitatifs, tout dépend de ce que l’on veut faire avec. Certains manquent visiblement de finesse. Alors peut-être garder les meilleurs et les plus fins serait déjà une bonne action. Les cépages Viniféra plus internationaux sont-ils la clés de la réussite? En tous cas, « Chez ces gens là’ comme disait l’ami Brel, les blancs, les bulles et les rouges de finesse sont déjà privilégiés, on y fait des vins issus d’un climat nordique bien sûr, issus de nos terroirs souvent de sable, d’argile, parsemés d’ardoise, On a des vins des fois à 10-11% d’alcool, le degré n’est pas toujours là (sauf par exemple une année chaude comme 2016) mais peu importe car attention les vins sont mûrs, plein de fruits, d’une droiture magnifique, restituant le gout du cépage et de la roche sur lequel il a poussé. On goute aussi des vins effervescents de grande élégance, à la bulle fine et au fruit éclatant, des blancs fins, denses, aromatiques, purs et dont le boisé est réfléchi, à peine perceptible et souvent brille par son absence. Bref, je ne vois pas ce que l’on pourrait rajouter à ça lorsque l’on pense que beaucoup de vignerons de par le monde recherchent ces expressions de pureté et cette acidité salivante qui est devenue une force pour les vignerons du Québec. Alors au diable les vins concentrés, tanniques, sucrés, on ne peut pas en faire ici, et on peut si l’on en goute comme ça, se permettre de douter de l’intégrité du vigneron à travailler en relation véritable avec les conditions qui l’entourent.

superbe coteau planté en Albarino
Superbe coteau planté en Albarino au domaine du Nival

Identité viticole

Finalement, demander à un vigneron de la région de Champagne de faire du Châteauneuf du Pape revient à demander de faire du jus de pomme avec du jus d’orange. Cela peut paraitre évident pour tout le monde dans ce cas-là, mais pour ce qui est d’avoir la même réflexion à propos de nous, c’est autre chose. Comme si nous n’avions pas encore compris que nous pouvions faire de belles choses avec ce que l’on a, que nous sommes plein de ressources et de volonté mais refusons-nous dans l’ensemble « d’assumer notre nordicité » comme dit l’autre?

Ce n’est pas en copiant les autres (comprendre les pays plus chaud) que nous allons nous démarquer et développer des produits fleurons. Être pris au sérieux dans le ‘elle’ magazine ou je ne sais quoi.

C’est l’heure de suivre le bon exemple, celui de la recherche de l’authenticité. Je dirais même plus une quête d’identité, nos fromages, nos bières, nos cidres de glaces, notre sirop d’érable, nos viandes ont déjà trouvés la leur. Ils font partie de notre culture. Montréal a aussi enfin comprise qu’elle « était ». Croyons que cela passe par du temps, beaucoup plus de travail que dans les autres régions du monde et surtout de la patience. Nous en sommes capables. Les dégustations effectuées ces derniers temps sont en tous cas très convaincantes. Si Confucius disait qu’une petite impatience ruine un grand projet, il apparait que l’actualité de cette réflexion est tout aussi pertinente que ces vignerons ont compris ce qu’ils avaient entre les mains. Tout pour accomplir un grand et beau projet.

Sur ces belles paroles : bonne méditation! et bonne santé surtout.

Xavier

 

 

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