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Le sommelier voit flou mais grâce à son verre!

a travers le verre

Je regarde toujours à un moment donné de la soirée à travers mon verre. Une drôle de pause qui te fait passer pour un weird. Je ferme un œil, je regarde le vin de proche et le reste de mon champ de vision est déformé par les parois. Comme un réflexe, un besoin caché de me remémorer mes débuts sans doute, de rester conscients qu’on n’arrive pas là tout seul mais guidé par des gens qui en savent beaucoup plus que toi, des « pros » comme on dit. Il y en a un qui m’a dit un jour: «Maintenant que t’es sommelier, tu travailles lorsque les autres s’amusent, donc le métier entre autre c’est que tu leur serres des coups à boire, il deviennent vite bourrés, mais toi non, il faut que tu restes sobre si tu veux aller loin pour faire ton métier, alors regarde à travers le verre comme ceci »( il met son verre de vin proche de son œil et me regarde à travers) Il reprend : « Tu vois du coup, ils te voient comme ça, un peu flou. C’est un bon truc pour garder contact avec eux tout au long de la soirée ». J’avais rien compris et je me suis dit : «non, c’est lui qui est bourré» et bizarrement, un peu plus tard, je me suis mis à essayer et depuis comme je vous l’ai dit, c’est devenu un réflexe.

Le sommelier, entre le client et le vin.

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Le réflexe aussi de ne pas boire, mais goûter et cracher… Pas parce que je ne bois pas, au contraire, ou parce que je me réserve le droit de prendre une gorgée sur chaque bouteille vendue, encore moins. Mais C’est plutôt pour garder le contrôle du service, de la soirée, du rythme des vins au verre à servir sur les menus improvisés que l’on met en place pour les plus trippeux. Le métier de sommelier, c’est selon moi avant tout une mission : celle d’informer le client, le guider, le comprendre pour qu’il passe la meilleure des soirées. Il doit être le lien entre le vigneron en lequel il croit et ceux qui en boivent le travail une fois assis à table. C’est aussi contrôler la qualité du vin, le débit des convives, pendre bien soin qu’ils sortent de ‘l’antre’ avec la seule sensation d’être bien! Le sommelier est au service des clients et au service du vin.

Fidèle à sa mission

Je me rappelle à mes débuts en tant que restaurateur, d’avoir accueilli un client : début trentaine, bien mis de sa personne, légèrement conquérant à son entrée, qui n’eut trouvé rien d’autre que de menacer ma pauvre employée alors en apprentissage. Ameutant presque les autorités officielles et peut être la foule afin que l’on nous lynche dans les règles : goudron, plume, bonne corde et branche haute. Après tout ce foinfoin et nous avoir interrogé sur les trois quart de la carte des vins, le prétexte fût que l’on eut osé prendre une demie once de sa bouteille : «c’est votre règle à vous dit-il mais je n’ai jamais vu cela, c’est du vol». Sur ces belles paroles, s’en suivirent toute ma plus belle argumentation : «procédure normale, internationale, nous devons goûter le vin pour en contrôler la qualité (problème de bouchon, acidité volatile, acétate d’éthyle, oxydation, quel qu’elle soit)». Qu’avais-je dit là, des gros mots sans doute, du blasphème hérétique.  Après 5 à 10 minutes de discours inutile, en conclusion je disais :

«Comment voulez-vous que l’on réponde à toutes vos questions si nous ne connaissons pas le produit que vous vendons».

Je me ravisais après la dernière menace et me disais qu’au final, peu importe les attaques dues à l’ignorance, c’est normal qu’on réagisse lorsque l’on ne connait pas. L’essentiel est de faire quand même de faire passer le message, d’informer le client de notre procédure et de lui permettre de recevoir le vin dans les meilleures conditions. On avait finalement rempli notre mission (qui dans certains cas frise l’impossible)

À bientôt

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